Eclairage protestant par Jane Stranz et Antoine Nouis
Un carême qui fait sens
par Jane Stranz, pasteur chargée de mission pour les relations
œcuméniques de la Fédération protestante de France.
Ensemble, des chrétiens de différentes confessions s’informent et prennent une responsabilité qui leur fait du sens. La proposition de jeûner de viande pendant le temps de Carême aide à se sensibiliser aux souffrances de notre planète, cela aide aussi à témoigner que ce souci pour l’environnement est enraciné dans notre foi en Jésus Christ, qu’ensemble nous pouvons prendre soin de la terre créée par Dieu. Cette action œcuménique et environnementale qui pose question et qui fait du sens est à saluer .
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Vers une éthique de la sobriété
par Antoine Nouis, pasteur et directeur du journal “Réforme”
Pendant longtemps, le protestantisme s’est méfié du Carême car il y voyait une oeuvre pieuse contraire à sa théologie de la grâce. Plutôt que de jeter le bébé avec l’eau du bain, il me semble plus sage de se réapproprier le Carême à l’intérieur de nos catégories théologiques.
Pourquoi célébrons-nous Noël en décembre, Pâques au printemps et Pentecôte quelques semaines plus tard ? Pour des raisons pédagogiques. Ce sont des temps où nous nous souvenons de façon privilégiée de la venue de Dieu dans notre monde.
Dans la même perspective, nous pouvons consacrer un temps de l’année où nous nous souvenons de façon particulière du chemin parcouru par Jésus pour monter à Jérusalem. Le Carême devient un temps où nous faisons mémoire du combat de Jésus contre la tentation de la richesse, du pouvoir et de la séduction pour devenir serviteur des plus petits. Il nous appartient de trouver et de poser les signes pour être disciples de ce Christ-là.
Le protestantisme a développé une éthique de la sobriété qui repose sur la gratitude, le juste usage des biens et la prise de conscience que nous ne sommes que les administrateurs des richesses qui nous sont confiées. Notre civilisation est à l’opposé de la sobriété en orientant nos désirs vers le toujours plus de consommation.
Le message de magazines et de la publicité est comme un gaz incolore, inodore et sans saveur que nous inhalons sans nous en rendre compte. Face à ces influences qui nous touchent plus que nous ne voulons nous l’avouer, nous avons besoin de l’antidote d’un évangile qui nous rappelle que le toujours plus est une impasse incapable de donner un sens à nos existences. Le Carême pourrait être un temps où nous mettons en œuvre cet antidote de façon privilégiée.
La sobriété que nous pouvons développer dans ce temps liturgique acquiert en outre une dimension prophétique dans un monde menacé par les déséquilibres écologiques. À l’heure où notre société prend conscience que la pente sur laquelle elle se trouve la conduit au désastre, nous pouvons accorder au Carême d’être un signe de contestation de notre civilisation et un appel à retrouver la richesse de la juste mesure des choses.