Quelle est aujourd’hui la situation des agriculteurs et des éleveurs ?
L’élevage est une dimension très importante de l’agriculture en France. Sur 436 milliers de fermes (individuelles ou collectives) dans notre pays, 220 font de l’élevage dont presque la moitié de bovins lait ou viande. Les éleveurs sont mis·es en difficulté sur tous les fronts.
Le revenu moyen des indépendant·es en agriculture est de 1 200 euros mensuels mais 20 % ont un revenu nul ou négatif. La libéralisation des marchés agricoles favorise une agriculture française exportatrice mais met néanmoins à mal certaines filières, comme l’élevage vulnérables à la concurrence. La variation des prix agricoles peut contribuer aux difficultés économiques qui entraînent suicides (presque deux suicides par jour en 2015 pour une profession qui compte environ 400 milliers d’indépendant·es et 300 de salarié·es) et faillites pour les chef·fes d’exploitation étranglé·es par des charges trop lourdes (produits phytosanitaires, mécanisation, dettes). En trente ans, plus de la moitié des exploitations françaises a disparu, les terres allant trop souvent agrandir les exploitations voisines par rachat plutôt que cession à un·e jeune qui s’installe.
D’autre part, les éleveurs subissent diverses obligations réglementaires comme l’obligation de puçage RFID des ovins-caprins, unique en Europe et abandonnée au bout de quelques années. Les épizooties régulières (fièvre catarrhale ovine, grippe porcine, grippe aviaire, etc.) s’ajoutent aux difficultés économiques et durcissent les conditions d’exercice du métier. Les abattages obligatoires génèrent une souffrance aussi bien pour les animaux que chez les éleveurs comme en novembre 2020 où les éleveurs danois ont dû abattre 15 millions de visons.
La grippe aviaire de l’hiver 2020-2021, par exemple, pourrait donner lieu à l’interdiction de l’élevage de volailles en plein air, ce que refusent nombre d’éleveurs.
Derrière ces chiffres, les situations sont multiples, entre les fermes de mille vaches qui sont nourries au soja brésilien et traites par un robot, sans intervention humaine, et des petites fermes autonomes qui produisent sur site tout le fourrage des animaux. Les rémunérations ne sont pas les mêmes d’un éleveur à l’autre, pas plus que l’impact environnemental des différentes pratiques d’élevage.
L’agriculture est responsable d’un quart des émissions de gaz à effet de serre de la France et l’élevage y a une forte part : utilisation d’engrais azotés dans les cultures, rejets de méthane par les ruminants… sans compter la déforestation importée avec le soja qui nourrit les bêtes.
Un autre élevage existe pourtant. Les prairies, dont la biodiversité est parfois supérieure à celle des forêts, peuvent également capter les gaz à effet de serre et contribuer à faire que l’agriculture non seulement ne contribue pas aux émissions de gaz à effet de serre mais même qu’elle en absorbe une partie.
44 % de notre surface agricole utile est consacrée aux prairies, il est donc important de poser la question du rôle que celles-ci auront dans la transition écologique, d’autant que ces prairies recèlent parfois une grande biodiversité. L’élevage est aussi une aide fondamentale en agriculture biologique avec les rotations de cultures et les amendements d’origine animale.
De plus en plus de professionnels souhaitent travailler autrement. Pour répondre aux deux urgences que constituent le revenu des éleveurs et l’impact écologique de l’élevage, la profession agricole a des propositions. L’association Solidarité Paysans propose aux éleveurs en difficulté des transitions écologiques qui améliorent également leur revenu : nourrir les vaches à l’herbe, acheter moins d’aliments en-dehors de la ferme, réduire les intrants (engrais ou pesticides). Ce modèle d’élevage et d’autres modèles autonomes et durables ont été travaillés par les Civam, un réseau de groupes d’agriculteurs/rices. Ils supposent également de produire moins en quantité, de baisser les chiffres d’affaires mais aussi les charges et d’améliorer ainsi son revenu.
L’association Terre de liens et la Fédération nationale de l’agriculture biologique ont créé un outil qui permet de tester des modèles agricoles et alimentaires. Les presque 300 milliers de km² de surface agricole utile de la France sont capables de nous nourrir, en agriculture biologique, à condition de réduire de moitié notre consommation de produits d’origine animale. Cela correspond aussi à une demande sociale : manger moins de viande et de produits d’origine animale mais de meilleurs aliments, plus écologiques. Le mieux-disant écologique (label agriculture biologique, marques de qualité), la transformation des produits sur la ferme, la vente directe sont d’autres manières d’augmenter le revenu des éleveurs… un revenu qui aujourd’hui reste insuffisant et que la course à l’agrandissement ne parvient pas à assurer.
L’élevage est bel et bien dans une ornière. Le consommateur peut alors choisir d’acheter au juste prix de meilleurs produits et notre société choisir de manger moins de produits d’origine animale afin de réduire cet impact sur le climat. A.V.
La société peut s’engager à accompagner les transitions écologiques dans toutes leurs dimensions (agronomique, économique, humaine).
Sources : MSA 2015, Agreste 2016, Insee 2020, Observatoire technico-économique du réseau Civam <https://www.civam.org/ressources/type-de-document/infographie/infographie-observatoire-technico-economique/>,
Etude « Agroécologie : accompagner des changements de pratiques » par Solidarité Paysans <https://solidaritepaysans.org/zoom-sur/des-etudes/agroecologie-accompagner-des-changements-de-pratiques>, Parcel par Terre de liens et FNAB <https://parcel-app.org/>